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Le centre BNB en conférence à La Réunion !

2/27/2019

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Le Centre BNB France est à La Réunion, sur invitation d’Isopolis pour une belle session d’échanges et de formation autour des principes du BNB et de leur application concrète dans la vie de tous les jours.
Isopolis teste et expérimente des projets alternatifs avec l’objectif ensuite de les déployer sur le territoire de La Réunion.
Pour nous c’est une formidable occasion de présenter nos actions, de sensibiliser aux principes du BNB et qui sait, de faire des émules !!
 
 
Un premier retour de Claire : 
 
"Bonsoir,
 
Ca y est, c’est parti !
Fin de la 1ère journée de formation, des participants heureux et fatigués, surpris par la démarche BNB présentée sous l’angle « Incarner la transformation que je souhaite mettre en place ».
 
Les participants : 18 leaders, représentants de tous les secteurs (politique, social et économique, économie sociale et solidaire, éducation, agriculture, gilets jaunes,…) qualifiés à la Réunion de « faiseurs de changement »
 
Le défi : Comment s’inspirer des bonnes pratiques du BNB pour mettre en place et développer leurs  projets voulant contribuer au Bien commun et au Bien être des Réunionnais ?
 
On revient vers vous mercredi soir après un moment important : la conférence sur le BNB ouverte à tous…

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et juste avant un autre moment important : Le démarrage de l’adaptation de l’indice du BNB au contexte de La réunion en co-construction avec le groupe des 18 leaders sur les trois derniers jours.
 
A bientôt pour des nouvelles et des photos !
 
Claire"

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Faut-il être une entreprise heureuse pour durer ?

9/30/2018

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Le Centre BNB France vous propose une création à quatre mains, celles de Claire Pousset et de Thomas Delpech, autour du sujet du bonheur en entreprise. L'intégralité du guide est en téléchargement libre en bas de cette page.

"Les salariés d'aujourd'hui expriment un mal être au travail que les entreprises ont des difficultés à résoudre, confrontées à une concurrence forte. De leur côté, les employeurs regrettent le manque d'implication de leurs collaborateurs. Et pourtant, combien de mains tendues, de bienveillances entre collègues attentifs, de décisions difficiles assumées par des patrons engagés pouvons-nous observer au cours de notre parcours professionnel.

Forts de ces exemples, nous faisons le pari qu'il est possible de co-construire le bonheur à l’intérieur même de l’entreprise, grâce à des outils efficaces.

Le bien-être au travail est à la fois une nécessité à défendre et une possibilité qui s’ouvre de plus en plus : les progrès du travail participatif et collaboratif font espérer des avancées significatives en la matière, dans un futur proche.

Cependant, même s'il est aujourd'hui courant d'avoir un discours qui mette à pied d'égalité la performance et le bien-être du travailleur, rares sont les ouvrages qui soutiennent des entreprises désireuses de s’engager sur un tel chemin.

Ce guide permet de transcrire des pratiques qui situent le bonheur de tous au centre des objectifs, sans négliger les chiffres qui mesureront, gageons le, des réussites économiques.

​Issu d’une expérience auprès d’hommes et de femmes désireux de bien faire, il rassemble des notions sur lesquelles vous pourrez vous appuyer pour promouvoir un bonheur pragmatique au sein de votre organisation, afin de vivre des relations professionnelles gagnant - gagnant".

Bonne lecture et n'hésitez pas à laisser vos commentaires en dessous et/ou à diffuser cette page !

L'équipe BNB France

Pour en savoir plus sur les deux auteurs :
Claire Pousset - www.ose-agis.com/
Thomas Delpech - www.sostenuto-france.com/

Guide : Faut-il être une entreprise heureuse pour durer ?
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Le Centre BNB France voyage au BHOUTAN février 2018 J5 à J8

2/10/2018

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Jour 5 « Prototype »

Départ pour Paro et arrivée vers 15h au Raven’s Nest notre dernier hébergement, face au Tiger Nest. Un très bel hôtel avec tout le confort nécessaire et décoré de manière très subtile, à l’image du Bhoutan et de ses habitants si délicats et attentionnés.
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Février 2018 - jours 3 & 4

2/8/2018

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JOUR 3 « PRESENCING »
 
Dans la continuité de notre voyage au Bhoutan et sur le chemin exploratoire du U (Théorie du U de Otto Scharmer), nous voilà partis pour le col Dochula à 1h de Thimphu et situé à 3 240 mètres d’altitude afin de démarrer la phase de Presencing.

La brume ne nous a malheureusement pas permis d’admirer les sommets à 7 000 qui font face à ce col.

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​Pour autant ce fut pour nous un lieu de méditation exceptionnel, plongés au cœur de la nature, des arbres avec une présence et une énergie si particulière propice à ce temps de reconnexion au monde.



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On reprend la route pour redescendre le col en direction de Chimi Lhakhang au pied du Temple de la fertilité, où a vécu le moine bouddhiste tibétain Drukpa Kunley, surnommé le « fou divin » connu pour son comportement excentrique, son refus de l'ordre ecclésiastique et sa folle sagesse.


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​Il est devenu très populaire au Bhoutan où il serait à l’origine du rôle protecteur du phallus, aussi nommé bâton de sagesse. Nous avons pu observer de nombreuses représentations de phallus sur chaque habitation du village.

Après une visite du temple et une bénédiction du moine nous repartons vers la ferme Ama’s farmstay. 


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Cette ferme va nous accueillir pour deux nuits, perdue dans la nature à 40’ de marche de Punakha, le village le plus proche.

Avant de monter, nous pouvons admirer le Dzong de Punakha, construit sans plan ni clou, aux formes arrondies du lit de la rivière.

​Le Dzong accueillent le gouvernement, l’administration public et le monastère du district.

​Nous voilà dans ce Bhoutan authentique et pourtant là encore pas de pauvreté apparente, les fermes sont de grandes bâtisses aux boiseries peintes et sculptées et dans la rue tout le monde semble affairé.



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Après 40’ de marche nous arrivons à la ferme où nous attend la famille Ama Choedez qui nous accueille avec une riche collation.

Nous découvrons ce véritable écrin taille XXL et son jardin d’Eden avec Papayes, mandariniers, Bougainvilliers en fleurs et ce en plein hiver… et une grande famille avec enfants, voisins, cousins, qui nous accueillent tous avec le sourire et beaucoup d’attention.

Nous nous installons dans nos chambres avant de démarrer un cercle pour lancer cette descente dans le creux du U.


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JOUR 4 « PRESENCING »
 
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Le lendemain, un Lama nous attend pour nous faire vivre l’offrande du feu propice à déposer dans un feu tout ce qui est à lâcher avant de partir 3 à 4 h seuls dans la nature afin de méditer, de poser un drapeau de prière et de laisser émerger ce que toute cette énergie de la nature a à nous révéler.
 


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​L’après-midi sera consacrée à des partages, des jeux traditionnels, un bain aux pierres chaudes afin de se reconnecter tous ensemble et de finir joyeusement la journée, rythmée par les très bons petits plats préparés minutieusement par Ama et ses enfants.

Claire & Sophie
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Le B.N.B France au Bouthan

2/6/2018

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Février 2018 - jours 1 & 2

​JOUR 1 « SENSING »


Après un voyage très long pour certains (31 heures), plus court pour d’autres, et une vue imprenable sur l’Himalaya, nous voilà arrivés pour notre première étape dans notre hôtel de Thimphou le KANGH Residency pour 2 jours, à 2500 mètres.
 Thimphou est la capitale du pays avec 100 000 habitants sur les 700 000 que compte le Bhoutan. 

​​Cette ville a connu un développement très rapide puisque 90% des constructions que nous y voyons n’existaient pas dans les années 60.



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Vivre ce voyage en tant que touriste ou en tant que Pèlerin, voilà la première interpellation de Tho, directeur des programmes du GNH Center qui nous accompagne durant tout ce voyage.

Les deux premiers jours seront donc consacrés au SENSING, ressentir le GNH (Gros National Hapiness) à travers l’incarnation de ce paradigme au Bhoutan, avec toutes les tensions et les difficultés que l’arrivée de la modernité peut générer.

Des pratiques bien sûr, un déjeuner dans une typique auberge bhoutanaise, mais aussi des témoignages sur l’histoire et la culture du Bhoutan, sur des expériences dans les écoles, sur une association qui accompagne de jeunes entrepreneurs bhoutanais pour mener des projets sélectionnés en lien avec les valeurs du BNB. 


Jour 2 « SENSING » la suite 

Après un approfondissement de la spiritualité Bhoutanaise, nous voilà partis pour la visite du Para temple situé sur les hauteurs de Thimphou.
Après la cérémonie des lumières, avec 108 bougies allumées, nous avons pu assister à un rituel de longue vie dédié au prince avec une trentaine de moines bouddhistes.

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​Pour compléter notre perception du Bhoutan nous nous sommes rendus sur le site du Grand Bouddha, perché à plus de 55 mètres, il a été financé par des fonds privés de Thaïlande, une impressionnante statut qui domine toute la vallée de Thimphou.

 

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​Nous finissons cette journée par une ballade à 2 avec les guides bhoutanais qui comme la plupart des bhoutanais parlent parfaitement anglais.

Ils nous emmènent au Farmersmarket, visiter les rues de Thimphou et nous donner un aperçu de la vie au Bhoutan avec un sentiment de sérénité et de gaieté, beaucoup de sourires, de rires le tout accompagnés d’aboiement de chiens errants.


Partage autour de nos premières sensations après une vision certes très partielle du Bhoutan et déjà beaucoup de questions avec des mots clés :

ACCUEIL, JUSTE DISTANCE, RAPPORT A LA NATURE, UTOPIE, FRUGALITÉ, TRANSFORMATION INTÉRIEURE ET SOCIÉTALE, TRANSMETTRE, OUVERTURE AU MONDE…

Et pour le Centre BNB France l’occasion de solidifier les liens qui nous unissent avec le GNH Center.


Claire & Sophie
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Un article du Monde de mai 2017- et si les entreprises ouvraient la voie ?

1/20/2018

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Danone fer de lance des nouvelles sociétés « à bénéfice public »La filiale américaine DanoneWave devient la plus grande entreprise sous ce statut associant but lucratif et intérêt général.
ager (75)Tweeter


Connaissez-vous les « Public Benefit Corporations » ? Depuis quelques années, ces entreprises associant but lucratif et intérêt général foisonnent aux Etats-Unis, et de nombreuses structures similaires émergent ailleurs dans le monde. Plus de 4 500 de ces sociétés « à bénéfice public » ont déjà été recensées outre-Atlantique. La dernière-née, la plus importante aussi, vient d’être créée par Danone.
Après s’être offert le fabricant de laits de soja, d’amande et de noisette WhiteWave pour 12,5 milliards de dollars (11,4 milliards d’euros), le groupe français a, en effet, choisi d’organiser sa nouvelle filiale DanoneWave sous forme de Public Benefit Corporation (PBC). Cette entreprise, qui rassemble 90 % des activités américaines de Danone et compte plus de 6 000 salariés, est désormais la plus grande société au monde bénéficiant de ce statut original, se sont félicités ses dirigeants le 25 avril.


« DanoneWave n’est pas une entreprise philanthropique, explique-t-on au siège parisien du groupe. Mais elle tient compte du long terme, dans la filiation du discours de Marseille d’Antoine Riboud. » Le 25 octobre 1972, ce PDG visionnaire avait disserté, devant un parterre de patrons dubitatifs, sur la nécessité pour les entreprises de « réduire les inégalités excessives en matière de conditions de vie et de travail » et de « répondre aux aspirations profondes de l’homme ».


Nouveau type d’entreprenariatA ses yeux, impossible de construire un succès économique sans y associer les hommes et les femmes qui y contribuent. Près de quarante-cinq ans plus tard, le groupe se veut fidèle à ce « double projet » conçu dans l’effervescence intellectuelle de l’après-Mai 1968.
Avec sa nouvelle PBC, Danone joue les fers de lance du mouvement lancé autour de ce que les chercheurs de l’école Mines Paristech proposent de nommer « entreprises à mission ». Un nouveau type d’entreprenariat « qui emprunte...
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Relais d'un article sur Tim Jackson trouvé sur le blog Les crises : serons-nous capable de réduire notre consommation ?

1/20/2018

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Je vous propose aujourd’hui une compilation d’interviews de Tim Jackson, auteur dulivre commenté ici : Prospérité sans croissance.
Economiste, il occupe la chaire de développement durable de l’université du Surrey, la première jamais créée au Royaume-Uni. Il est également l’un des pionniers de la construction d’indices alternatifs de croissance économique. Il est par ailleurs auteur de pièces de théâtre diffusées par la BBC.
« Il est très difficile pour des individus de réduire leur consommation »[Terra Éco, septembre 2010]Vous dites qu’il est enfantin de comprendre qu’on ne peut pas vivre dans un système de croissance perpétuelle sur une planète finie. Dans le même temps, vous avez découvert qu’il n’existe pas de théorie macroéconomique intégrant l’écologie. Qu’est-ce qui explique qu’il ait fallu autant de temps pour intégrer cette donnée-là ?
Les économistes comme Keynes étaient confrontés à des enjeux très différents d’aujourd’hui. La question était alors de maintenir la stabilité d’un système économique, d’assurer l’emploi avant la guerre, de savoir comment dépenser l’argent en période de guerre, d’augmenter le niveau de vie… La question des ressources était absente des débats. Mais je ne dirais pas que les économistes ne voyaient pas la question des limites. Simplement, ils pensaient que nous pourrions la traiter par la technologie et par l’efficacité.
Comment les économistes « classiques », qu’ils soient keynésiens ou néolibéraux, reçoivent-ils vos travaux ?
Ils disent que je ne tiens pas suffisamment compte du pouvoir des impôts et des taxes. Ils pensent que la fiscalité peut suffire à changer les choses : si elle permet de fixer le juste prix des choses, alors le marché se régulera de lui-même. Or, selon moi, la fiscalité n’est qu’un instrument. Et l’idée selon laquelle elle peut résoudre seule les problèmes est erronée. Elle permettrait certes de réintégrer des enjeux (écologiques, ndlr) que le marché ne prend pas en compte aujourd’hui, mais d’après moi, elle ne changerait pas la dynamique destructrice de notre système.
Et quelles sont les critiques positives qu’ils vous adressent ?
J’ai été très surpris de recevoir de nombreux échos positifs d’économistes, tout particulièrement de jeunes économistes. Ces derniers me disent qu’ils ont du mal à trouver des lieux où étudier ce genre de sujets. Il est vrai qu’il existe peu d’endroits dans lesquels les économistes peuvent travailler sur ces idées. Mais cela commence à changer.
Dans vos travaux, vous parlez de réduction et de partage du temps de travail. Quelle est votre position sur cette question très controversée ?
Dans le premier rapport que j’ai écrit, j’étais très enthousiaste sur cette question. S’il y a moins de travail dans nos économies, il est essentiel de mettre en place des politiques de partage de l’accès au travail.
Mais les économistes classiques disent que la croissance permet de résoudre ce problème de rareté du travail…
Effectivement, si l’on a de la croissance et que la productivité du travail augmente, alors on atteint le plein emploi. A contrario, la difficulté pour les promoteurs de la décroissance est que si vous stoppez la croissance, vous limitez la quantité de travail disponible. Alors la seule façon d’assurer un accès équitable au travail est de mettre en place des politiques de partage du temps de travail. Il faut bien comprendre que dans une économie fondée sur les services, il sera extrêmement difficile, et de plus en plus difficile, d’améliorer la productivité du travail. Il faudra donc trouver un équilibre entre améliorer la productivité dans certains secteurs – par exemple ceux dans lesquels le travail est pénible – et partager le travail dans d’autres secteurs.
Sur un plan plus individuel, vous défendez l’idée d’une réduction de la consommation. Avons-nous la capacité de choisir la sobriété ?
Il y a de nombreuses études sociologiques sur les comportements individuels. J’ai le sentiment, bien sûr, que certains individus réduisent leur consommation superflue. Mais, même si ces personnes semblent surmotivées, ce qui prédomine, c’est l’impression qu’elles sont prises dans un conflit permanent. En faisant de tels choix, qui semblent à propos, elles se placent en marge de la société. Il est donc très difficile pour des individus de relever ce défi.
Dernière question, plus personnelle : que changez-vous (ou pas) dans vos propres comportements, en termes d’empreinte écologique ?
Je n’ai pas de voiture, je prends le vélo ou je marche à pied quand je peux. Quand je suis en « tournée » en Europe (Tim Jackson est allé dernièrement à Nantes, Munich, Brême, ndlr), j’essaie de la faire en train. Je place mon épargne dans des fonds éthiques, j’essaie de limiter mon budget alimentation, je suis végétarien. Ce sont là des choix personnels, mais je reconnais que pour un individu, il est extrêmement difficile de faire tout cela dans un système tel que le nôtre.
Et le plus difficile ? C’est le téléphone ?
Oui, l’iPhone, c’est difficile d’y résister. Mais je résiste à l’iPad ! Pour moi, l’enjeu est de mettre des technologies au service de l’innovation sociétale, en faisant en sorte de ne pas en changer tous les six mois.
Source : Terraeco.net
« Nous sommes au bord du gouffre écologique »[Rue 89, septembre 2010]L’économiste anglais Tim Jackson est un peu devenu le « gourou » des théoriciens de la fin de la croissance. Face à l’urgence écologique, il remet en cause l’idée que la croissance verte pourrait suffire. Professeur en développement durable au Centre for Environmental Strategy (CES) de l’université du Surrey, Tim Jackson a rendu en 2009 un rapport explosif au gouvernement britannique.
Le livre qui en est issu, « Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable », bouleverse la macro-économie traditionnelle. Traduit en français en mai dernier aux éditions de Boeck, il connaît un grand retentissement sur le net, mais assez peu dans les médias traditionnels.
Tim Jackson part d’un constat presque enfantin : « une économie en croissance constante répartie sur une planète finie ne marche pas », et propose une prospérité où seraient décuplés les investissements durables et retrouvé l’épanouissement personnel.
Comment a été accueillie votre analyse ?
Le gouvernement britannique n’a pas répondu formellement au rapport, il a simplement pris acte de ses conclusions.
Il espérait que mon livre tombe dans l’oubli, mais indirectement a dû le prendre en considération car des membres du gouvernement se sont fait interpeller à son sujet lors de conférences.
Je suis aussi entendu par certains membres de l’establishment qui, avec la crise, montrent une certaine humilité… dans le discours du moins !
Que pensez-vous du débat sur la décroissance ?
[…]Source : Rue89
« La technologie ne peut plus être considérée comme la solution à nos difficultés »[Reporterre, janvier 2011]Tim Jackson est un économiste atypique. En 2000, il devient le titulaire de la première chaire de développement durable créée au Royaume-Uni, à l’université de Surrey. Il y fonde aussi une unité de recherche croisant l’économie, la psychologie et la sociologie. En 2004, nommé à la commission du développement durable créée par le gouvernement de Tony Blair, le chercheur dirige le travail du groupe “Redefining Prosperity” qui le conduit à écrire Prospérité sans croissance, livre publié en 2007 au Royaume-Uni, et deux ans plus tard en France (De Boeck). C’est l’un des ouvrages d’économie environnementale les plus marquants de ces dernières années. Alors que 2011 débute, M. Jackson livre son pronostic sur la croissance et sur les moyens de faire évoluer le modèle économique actuel, qu’il critique largement.
La croissance peut-elle reprendre en 2011 ?
En ce qui concerne les économies occidentales, la réponse est probablement non. Les mécanismes destinés à maintenir la croissance ont fragilisé le système économique en développant un endettement toxique qui a conduit à l’effondrement des marchés financiers. Or les éléments de cette dynamique de crise restent à l’oeuvre aujourd’hui, car l’expansion monétaire illimitée est par nature instable. De surcroît, le prix du pétrole repart à la hausse. L’autre aspect de la question est de savoir si l’on peut poursuivre la croissance sans dommages environnementaux irréversibles, sachant que nous vivons dans un monde fini. Pour y parvenir, il faudrait découpler la croissance de la production matérielle, créer de la valeur économique non dans les biens, mais dans les services : loisir, santé, éducation…
Est-ce la tendance suivie jusqu’à présent ?
Non. Les progrès d’efficacité énergétique restent inférieurs à l’expansion de l’économie. De même, les tendances en ce qui concerne la forêt, l’eau ou l’érosion des sols vont dans le mauvais sens. Depuis vingt ans, le discours officiel proclame que la technologie, en dématérialisant l’économie, va résoudre l’impact environnemental négatif de la croissance. Mais ce découplage ne se produit pas. Le niveau de technologie nécessaire pour y parvenir est irréaliste. Ce n’est pas très populaire de le dire, mais la technologie ne peut plus être considérée comme la solution à nos difficultés.
La croissance verte est-elle une piste crédible ?
Il est bien sûr utile d’investir dans une meilleure productivité des ressources et dans les technologies faiblement carbonées. Mais il n’empêche, on retombe toujours sur le même problème : quelle croissance pouvons-nous atteindre grâce à ces technologies ? Si vous n’analysez pas en profondeur la dynamique du système, vous faites des hypothèses irréalistes sur l’efficacité de la technologie
Quelle solution proposez-vous ?
Notre culture repose sur un appétit continu pour la nouveauté, qui est le langage symbolique des objets. Nous avons créé des institutions qui encouragent systématiquement le comportement individualiste, matérialiste, et avide de nouveauté. Cette psychologie collective est indispensable au système, parce que si l’on freine la dépense, il s’écroule. En récession, par exemple, les gens épargnent spontanément davantage, ce qui est mauvais selon le système économique actuel. C’est là qu’on voit qu’il va à l’opposé de ce que veulent les gens. Car si l’on a des tendances individualistes, la psychologie montre qu’existent aussi fortement des tendances altruistes dans la personne humaine, et que les tendances à chercher la nouveauté sont en tension avec les tendances à la conservation. Pourquoi alors privilégier la tendance individualiste et avide de nouveauté du consommateur, qui n’est qu’une part de la psyché humaine, et l’encourager dans le cadre institutionnel ? Ce constat vous indique la stratégie à suivre pour remodeler le système économique.
Comment remodeler le système économique ?
Il faut suivre trois démarches. La première est d’admettre que l’expansion économique a ses limites. Nous savons que nos ressources ne sont pas infinies, nous connaissons et mesurons l’impact écologique de nos modes de vie, nous devons donc définir les règles d’une économie fonctionnant dans ce cadre. La deuxième est de réguler le marché financier, et plus largement la façon dont nous envisageons l’investissement et le profit. Les capitalistes distribuent le profit comme ils le souhaitent. Mais il faudrait mesurer ce dernier autrement – pas seulement en termes financiers, mais aussi en prenant en compte le social et l’environnemental – et le ramener au bénéfice de la communauté. Le troisième point vise à changer la logique sociale. Le gouvernement peut agir en modifiant la structure des incitations, en fournissant aux gens les moyens de s’épanouir autrement, d’une façon moins matérialiste.
Mais cela peut-il permettre de combattre le chômage ?
Le capitalisme actuel poursuit l’augmentation continue de la productivité du travail, si bien qu’on produit la même chose avec toujours moins de gens. Si vous acceptez cette idée que la hausse de la productivité est la clé du progrès économique, vous n’avez que deux options : l’une c’est d’avoir moins d’emplois dans l’économie, l’autre est d’en avoir autant, ce qui signifie toujours plus de croissance – qui se heurte aux limites des ressources et de l’environnement. Le choix est donc soit de conserver la croissance de la productivité et d’admettre par conséquent qu’il y aura moins de travail dans l’économie, ce qui signifie la mise en place de politiques de réduction du temps de travail ; soit opter pour la fin de la hausse de la productivité, et développer les services sociaux – éducation, aide sociale, maintien des espaces publics, rénovation des bâtiments, etc. Ces activités sont naturellement intensives en travail : leur qualité ne s’améliore pas par une augmentation de la productivité, au contraire. Si l’on suit ce choix, il y aura certes une baisse des profits, et moins de productivité telle qu’elle est conventionnellement mesurée, mais plus d’emplois…
Hervé Kempf
Source : Reporterre
« Sur les 35 heures, la France a manqué de volonté politique »[Le Télégramme, janvier 2011]La réduction du temps de travail ? Elle ne saurait se passer d’une réforme de notre système productiviste et compétitif, assure l’économiste britannique, auteur de « Prospérité sans croissance ».
La perspective d’une croissance perpétuelle et du plein emploi semblent s’éloigner chaque jour davantage. Dans ce contexte, la réduction du temps de travail vous apparaît-elle comme inéluctable ?
Tim Jackson : Si la croissance ne se poursuit pas, la réduction du temps de travail peut en effet aider à retrouver le plein emploi. Mais il existe une seconde tactique. Celle-ci consiste à remettre en cause la croissance de la productivité. Ainsi, l’économie n’aurait plus besoin de croître. Et le temps de travail n’aurait pas à être réduit? C’est d’autant plus vrai si on imagine une transition vers une économie dans laquelle s’échangent essentiellement des services à la personne. Chercher à améliorer la productivité de ces activités n’a pas vraiment de sens. Dans ces secteurs-ci, il s’agit plutôt de maintenir la valeur essentielle du temps humain.
Je crois que ces deux stratégies sont toutes deux valides. L’une qui consiste à défier le paradigme selon lequel vous devez absolument chercher la productivité du travail. Et à accepter que dans certaines activités, le travail soit la valeur la plus importante? et que le temps consacré doit être protégé. L’autre qui consiste à penser une politique du temps de travail afin d’assurer un plein accès à l’emploi. C’est ainsi, à mon sens, que la réduction du temps de travail doit être pensée. Plutôt que comme un levier qui va faire baisser la croissance.
Le temps libéré par la réduction du temps de travail peut-il être bénéfique à la société, à l’économie ?
Il peut l’être. Mais ce n’est pas automatique. Si vous réduisez le temps de travail, que font les gens ? Est-ce qu’ils sortent faire des courses ? S’ils augmentent leur consommation, la demande ? ainsi que la production ? augmente. Mais cela a un effet pervers du point de vue environnemental. En clair, il faudrait que ce temps désormais libre soit employé à des activités sociales, communautaire, familiales ou à des loisirs « légers » en carbone et peu matérialistes. Il faut donc avoir des politiques jointes qui, à côté de la réduction du temps de travail, promeuvent ce genre d’activités. Et il faut réformer nos structures existantes. Aujourd’hui, elles sont très fortement tournées vers une consommation matérialiste, vers la recherche de salaires toujours plus hauts, vers la compétition sociale, etc.
Pourquoi pensez-vous que la réussite des 35 heures est aujourd’hui largement remise en cause en France ?
Mettre en place une réduction du temps de travail est une tâche très difficile. Les employeurs sont soumis à de fortes pressions pour faire travailler leurs employés plus longtemps. Cela leur permet de réduire leurs coûts fixes et de mieux contrôler leur force de travail. Les individus eux-mêmes sont soumis à des pressions qui les poussent à travailler plus que le temps optimal nécessaire pour répondre à leurs besoins. Leurs décision ne sont en effet pas individuelles mais sont prises au sein d’un environnement compétitif. Dans celui-ci, ils doivent rester en phase avec ce qui les entourent. En clair, tout le monde évolue dans un jeu de somme nulle avec une très forte pression qui pousse à travailler de longues heures.
Quelles leçons peut-on tirer de l’exemple français ?
Il faut appliquer une politique très solide afin de contraindre les employés et les employeurs à réduire le temps de travail sans qu’ils se sentent en danger dans ce nouveau cadre. Mais cela demande un engagement politique très fort. En France, je crois que la volonté politique a été ébranlée assez vite. Simplement parce que la perte du temps de travail des salariés n’a pas été contrebalancée par une hausse de la productivité, et donc de la production. La stratégie du temps de travail doit avoir un objectif clair, et un leadership politique clair. Elle doit prendre en compte les inégalités et les pressions sociales. Ce n’est pas un outil politique simple, qui vous arrive clés en main.
Source : Le Télégrammme
« L’individu égoïste est le modèle de l’humanité »[UC Louvain, février 2011]Au mieux suis-je une sorte de non-conformiste, un académique par accident, qui a tendance à semer la pagaille. Je ne vais pas vous parler de l’accueil qui m’a été réservé en Angleterre quand j’ai osé, pour la première fois, parler de ‘Prospérité sans Croissance’. Ni du coup de fil que j’ai reçu un vendredi soir d’une personnalité politique dont je tairai le nom, représentant un ministère que je ne nommerai pas non plus, me disant que le numéro 10 – d’une rue londonienne anonyme – ‘est devenu littéralement dingue’. Et tout cela à cause de moi? Ce n’est pas tout à fait le genre de carrière que mes parents imaginaient pour moi.
Mais aujourd’hui, chose extraordinaire, une des université les plus anciennes – et certainement la plus avisée – d’Europe honore quelqu’un qui a osé poser la question la plus évidente qui soit: comment est-il possible pour notre économie de croître à l’infini – tandis que les ressources de notre planète sont si péniblement limitées?
C’est une question fascinante pour différentes raisons. Tout d’abord, parce que beaucoup de monde préférerait qu’elle ne soit pas posée. Mais aussi parce que l’on débute le parcours avec une question très simple qui traite de physique et d’écologie… Et on finit par explorer l’essence même de l’être humain.
Laissez-moi vous guider le long d’un petit bout de ce parcours. Imaginez, pour un instant, un monde peuplé de neuf milliards d’habitants, aspirant tous à un niveau de salaire occidental, croissant à du deux pour cent par an. Dans un tel monde, le seul moyen d’avoir une quelconque chance de transmettre à nos enfants une planète habitable est de réduire de cent trente fois l’intensité en carbone de l’activité économique durant les quarante prochaines années. Croire à la réalisation d’un tel scénario, c’est croire par-dessus tout au pouvoir quasi magique de la technologie.
La question pour moi n’est pas tant de savoir si cela est technologiquement réalisable. Mais plutôt si la société dans laquelle nous vivons peuvent atteindre ce niveau de transformation. Car une société qui se fonde sur la croissance nécessite une multitude de consommateurs dépendants de biens nouveaux, prêts à emprunter et à dépenser- quitte à hypothéquer leur situation financière future si telle est la condition pour continuer à acheter.
Et soyons honnêtes, il est assez facile de repérer ces gens. Ils sont assis ici-même et maintenant. Parce que les biens nouveaux jouent un rôle absolument central dans nos vies à nous. A travers eux, nous nous racontons des histoires décrivant combien nous sommes importants. La nouveauté signifie le progrès. Elle signifie l’espoir. Un monde plus radieux, plus étincelant pour nos enfants et leurs enfants. Nous sommes exactement les personnes dont le système a besoin pour poursuivre la parade.
Et si, comme en période de récession, par exemple, le système stagne ou même chancèle, alors une foule d’agents publicitaires, de vendeurs, d’investisseurs et de politiques, aussi rusés les uns que les autres, sont là pour nous rappeler à l’ordre.
Pour nous persuader, en termes très simples, de dépenser l’argent qu’on n’a pas pour acquérir des choses dont on n’a pas besoin afin de créer des impressions qui ne durent pas sur des personnes qui ne nous importent en rien.
Mais avant de nous livrer au désespoir, cela vaut la peine de se demander si ce dynamique consommateur sert réellement nos aspirations propres en tant qu’êtres humains. S’agit-il là de l’immuable nature humaine à la recherche de son propre plaisir ou d’une pathologie qui est la conséquence d’une économie tournée trop vers le profit, nous menant à des comportements destructifs ?
Admettons toute de suite qu’il y a une part de la nature humaine qui est profondément matérialiste. Et que cette part de la nature humaine a une soif persistante de nouveauté. Mais cela signifie-t-il que l’hédonisme, la recherche individualiste du plaisir est vraiment ce à quoi se réduit la nature humaine?
Y-a-t-il ne fusse qu’un seul des modèles du psychisme humain qui se limite aux forces d’un matérialisme égoïste ?
S’il y en a un, il n’est certainement pas l’œuvre ni des psychologues ni des psychiatres. Il n’est pas sûrement approuvé par les docteurs, les infirmières, les travailleurs sociaux. Ou encore par les mères, les pères, les amants. Ni l’art, ni la musique, ni la littérature n’en font assurément pas l’éloge. Il n’est le cœur d’aucun enseignement religieux, quel qu’il soit. Il n’a pas été inscrit sur des tablettes de pierre par Moise descendu de la montagne.
Il suffit de regarder autour de vous. De demander au gens ce qui a de l’importance pour eux. Je ne suis pas en train de suggérer que nous sommes tous des Saints. Ce serait ridicule. Mais la seule preuve nécessaire pour rejeter la proposition que tous les cygnes sont blancs est de trouver un cygne noir.
La seule preuve nécessaire pour rejeter la proposition que nous sommes tous des consommateurs individualistes, c’est un seul individu désintéressé qui passe sa vie entière à se dévouer aux pauvres et aux malades. Une seule entreprise innovante qui destine quatre vingt pour cent de ses profits à la protection des forêts tropicales. Ou une fillette de dix ans, troublée par le matérialisme de Noël, apportant à son père une poignée de cadeaux et lui demandant : ‘pourrais-tu s’il te plait les donner à des enfants qui n’ont rien ?’. C’est le cas de ma fille. Mon petit cygne noir. Mais je suis persuadé que vous n’aurez aucun mal à fournir vos propres exemples. Réfuter le modèle d’une nature humaine dont le fondement est la recherche intéressée du plaisir est ridiculement facile. Dès lors, d’où peut bien provenir un tel modèle ?
Et bien, mesdames et messieurs, ce modèle provient hélas de la pensée économique dominante. L’individu égoïste est le modèle de l’humanité, encodé au cœur de la science économique moderne. Baignés dans la croyance erronée que ce type de comportement humain concourt à l’intérêt général, nous avons créé toute une gamme d’institutions pour aider chacun de nous à devenir précisément ce type d’individu.
Et la vérité triste, c’est que ces institutions sont en train de miner une autre part de nous qui est tout aussi importante. Qui est plus importante.
On a oublié qu’en même temps que d’être égoïstes, nous sommes aussi altruistes. Que si nous avons soif de nouveauté, nous sommes aussi sensibles à la tradition. Et que nos âmes, bien qu’en quête perpétuelle d’occupations belliqueuses, ont aussi besoin de réflexion et de paix.
En conclusion, il ne s’agit pas de changer la nature humaine mais de reconnaitre sa profondeur. Et de construire des institutions qui protègent cette profondeur, une économie capable d’engendrer une prospérité partagée au sein d’une planète limitée.
La prospérité – dans tous les sens du terme – transcende les préoccupations matérielles. Elle réside dans notre amour pour nos familles, dans notre soutien à nos amis, dans notre aptitude à participer pleinement à la vie de notre société, dans la signification et la raison d’être que nous attachons à nos vies. Le défi pour nos sociétés est de créer les conditions qui rendent cela possible.
Source : UC Louvain
« Les quatre priorités de Tim Jackson »
1. Imaginer un nouveau système économique
dont la stabilité ne repose pas sur la croissance illimitée. C’est un défi, notamment pour les économistes dont la « science » est « écologiquement analphabète ».
2. Réformer les marchés financiers
pour les rendre moins instables, mais aussi pour qu’ils prennent en considération les rendements sociaux et écologiques, et pas seulement le rendement financier à (très) court terme.
3. Démanteler la culture de la consommation
qui nous pousse à dépenser l’argent que nous n’avons pas, pour acheter des choses dont nous n’avons pas besoin, pour impressionner des gens qui ne nous importent pas.
4. Soutenir l’« économie Cendrillon »
ces entreprises de petite taille, à faible productivité et forte intensité en main-d’œuvre, qui produisent des services immatériels : santé, care, loisirs culturels…
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Et vous quelle sera votre graine 2018 ?

12/6/2017

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"L'homme qui plantait des arbres"
Jean Giono

"Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable.

Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.
Cette région est délimitée au sud-est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Mirabeau ; au nord par le cours supérieur de la Drôme, depuis sa source jusqu’à Die ; à l’ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du mont Ventoux. Elle comprend toute la partie nord du département des Basses-Alpes, le sud de la Drôme et une petite enclave du Vaucluse.

C’étaient, au moment où j’entrepris ma longue promenade dans ces déserts, des landes nues et monotones, vers mille deux cents à mille trois cents mètres d’altitude. Il n’y poussait que des lavandes sauvages.
Je traversais ce pays dans sa plus grande largeur et, après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple. Je campais à côté d’un squelette de village abandonné. Je n’avais plus d’eau depuis la veille et il me fallait en trouver. Ces maisons agglomérées, quoique en ruine, comme un vieux nid de guêpes, me firent penser qu’il avait dû y avoir là, dans le temps, une fontaine ou un puits. Il y avait bien une fontaine, mais sèche. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais toute vie avait disparu.

C’était un beau jour de juin avec grand soleil, mais, sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses des maisons étaient ceux d’un fauve dérangé dans son repas.
Il me fallut lever le camp. À cinq heures de marche de là, je n’avais toujours pas trouvé d’eau et rien ne pouvait me donner l’espoir d’en trouver. C’était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses. Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d’un arbre solitaire. À tout hasard, je me dirigeai vers elle.
C’était un berger.
Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient près de lui.
Il me fit boire à sa gourde et, un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie, dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau – excellente – d’un trou naturel, très profond, au-dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.

Cet homme parlait peu. C’est le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C’était insolite dans ce pays dépouillé de tout. Il n’habitait pas une cabane mais une vraie maison en pierre où l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu’il avait trouvée là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages.
Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé ; sa soupe bouillait sur le feu ; je remarquai alors qu’il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.

Il me fit partager sa soupe et, comme après je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu’il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui, était bienveillant, sans bassesse.

Il avait été entendu tout de suite que je passerais la nuit là ; le village le plus proche était encore à plus d’une journée et demie de marche. Et, au surplus, je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région. Il y en a quatre ou cinq dispersés loin les uns des autres sur les flans de ces hauteurs, dans les taillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables. Ils sont habités par des bûcherons qui font du charbon de bois. Ce sont des endroits où l’on vit mal. Les familles, serrées les unes contre les autres dans ce climat qui est d’une rudesse excessive, aussi bien l’été que l’hiver, exaspèrent leur égoïsme en vase clos. L’ambition irraisonnée s’y démesure, dans le désir continu de s’échapper de cet endroit. Les hommes vont porter leur charbon à la ville avec leurs camions, puis retournent. Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise. Les femmes mijotent des rancœurs. Il y a concurrence sur tout, aussi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l’église, pour les vertus qui se combattent entre elles, pour les vices qui se combattent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Par là-dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folie, presque toujours meurtrières.

Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet : voyant le soin qu’il mettait à ce travail, je n’insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher.

La société de cet homme donnait la paix. Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel. Ou plus exactement, il me donna l’impression que rien ne pouvait le déranger. Ce repos ne m’était pas absolument obligatoire, mais j’étais intrigué et je voulais en savoir plus. Il fit sortir son troupeau et il le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d’eau le petit sac où il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés.

Je remarquai qu’en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d’environ un mètre cinquante. Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et il monta vers l’endroit où je me tenais. J’eus peur qu’il vînt pour me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout : c’était sa route et il m’invita à l’accompagner si je n’avais rien de mieux à faire. Il allait à deux cents mètres de là, sur la hauteur.

Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. Il supposait que c’était une terre communale, ou peut-être, était-elle la propriété de gens qui ne s’en souciaient pas ? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.

Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant. C’est à ce moment là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante-cinq, me dit-il. Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.

Menant moi-même à ce moment-là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant, je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d’une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces dix mille seraient comme une goutte d’eau dans la mer.
Il étudiait déjà, d’ailleurs, la reproduction des hêtres et il avait près de sa maison une pépinière issue des faines. Les sujets, qu’il avait protégés de ses moutons par une barrière en grillage, étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds où, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.
Nous nous séparâmes le lendemain.

L’année d’après, il y eut la guerre de 14 dans laquelle je fus engagé pendant cinq ans. Un soldat d’infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres. À dire vrai, la chose même n’avait pas marqué en moi ; je l’avais considérée comme un dada, une collection de timbres, et oubliée.

Sorti de la guerre, je me trouvais à la tête d’une prime de démobilisation minuscule mais avec le grand désir de respirer un peu d’air pur. C’est sans idée préconçue – sauf celle-là – que je repris le chemin de ces contrées désertes.
Le pays n’avait pas changé. Toutefois, au-delà du village mort, j’aperçus dans le lointain une sorte de brouillard gris qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m’étais remis à penser à ce berger planteur d’arbres. « Dix mille chênes, me disais-je, occupent vraiment un très large espace. »

J’avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d’Elzéard Bouffier, d’autant que, lorsqu’on en a vingt, on considère les hommes de cinquante comme des vieillards à qui il ne reste plus qu’à mourir. Il n’était pas mort. Il était même fort vert. Il avait changé de métier. Il ne possédait plus que quatre brebis mais, par contre, une centaine de ruches. Il s’était débarrassé des moutons qui mettaient en péril ses plantations d’arbres. Car, me dit-il (et je le constatais), il ne s’était pas du tout soucié de la guerre. Il avait imperturbablement continué à planter. Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J’étais littéralement privé de parole et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l’âme de cet homme – sans moyens techniques –, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction.

Il avait suivi son idée, et les hêtres qui m’arrivaient aux épaules, répandus à perte de vue, en témoignaient. Les chênes étaient drus et avaient dépassé l’âge où ils étaient à la merci des rongeurs ; quant aux desseins de la Providence elle-même, pour détruire l’oeuvre créée, il lui faudrait avoir désormais recours aux cyclones. Il me montra d’admirables bosquets de bouleaux qui dataient de cinq ans, c’est-à-dire de 1915, de l’époque où je combattais à Verdun. Il leur avait fait occuper tous les fonds où il soupçonnait, avec juste raison, qu’il y avait de l’humidité presque à fleur de terre. Ils étaient tendres comme des adolescents et très décidés.

La création avait l’air, d’ailleurs, de s’opérer en chaînes. Il ne s’en souciait pas ; il poursuivait obstinément sa tâche, très simple. Mais en redescendant par le village, je vis couler de l’eau dans des ruisseaux qui, de mémoire d’homme, avaient toujours été à sec. C’était la plus formidable opération de réaction qu’il m’ait été donné de voir. Ces ruisseaux secs avaient jadis porté de l’eau, dans des temps très anciens. Certains de ces villages tristes dont j’ai parlé au début de mon récit s’étaient construits sur les emplacements d’anciens villages gallo-romains dont il restait encore des traces, dans lesquelles les archéologues avaient fouillé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits où au XXe siècle on était obligé d’avoir recours à des citernes pour avoir un peu d’eau.

Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l’eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre.
Mais la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement. Les chasseurs qui montaient dans les solitudes à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonnement des petits arbres mais ils l’avaient mis sur le compte des malices naturelles de la terre. C’est pourquoi personne ne touchait à l’oeuvre de cet homme. Si on l’avait soupçonné, on l’aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique ?

À partir de 1920, je ne suis jamais resté plus d’un an sans rendre visite à Elzéard Bouffier. Je ne l’ai jamais vu fléchir ni douter. Et pourtant, Dieu sait si Dieu même y pousse ! Je n’ai pas fait le compte de ses déboires. On imagine bien cependant que, pour une réussite semblable, il a fallu vaincre l’adversité ; que, pour assurer la victoire d’une telle passion, il a fallu lutter avec le désespoir. Il avait, pendant un an, planté plus de dix mille érables. Ils moururent tous. L’an d’après, il abandonna les érables pour reprendre les hêtres qui réussirent encore mieux que les chênes.
Pour avoir une idée à peu près exacte de ce caractère exceptionnel, il ne faut pas oublier qu’il s’exerçait dans une solitude totale ; si totale que, vers la fin de sa vie, il avait perdu l’habitude de parler. Ou, peut-être, n’en voyait-il pas la nécessité ?
En 1933, il reçut la visite d’un garde forestier éberlué. Ce fonctionnaire lui intima l’ordre de ne pas faire de feux dehors, de peur de mettre en danger la croissance de cette forêt naturelle. C’était la première fois, lui dit cet homme naïf, qu’on voyait une forêt pousser toute seule. À cette époque, il allait planter des hêtres à douze kilomètres de sa maison. Pour s’éviter le trajet d’aller-retour – car il avait alors soixante-quinze ans – il envisageait de construire une cabane de pierre sur les lieux mêmes de ses plantations. Ce qu’il fit l’année d’après.

En 1935, une véritable délégation administrative vint examiner la forêt naturelle. Il y avait un grand personnage des Eaux et Forêts, un député, des techniciens. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose et, heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile : mettre la forêt sous la sauvegarde de l’État et interdire qu’on vienne y charbonner. Car il était impossible de n’être pas subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Et elle exerça son pouvoir de séduction sur le député lui-même. J’avais un ami parmi les capitaines forestiers qui était de la délégation. Je lui expliquai le mystère. Un jour de la semaine d’après, nous allâmes tous les deux à la recherche d’Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à vingt kilomètres de l’endroit où avait eu lieu l’inspection.
Ce capitaine forestier n’était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses. Il sut rester silencieux. J’offris les quelques œufs que j’avais apportés en présent. Nous partageâmes notre casse-croûte en trois et quelques heures passèrent dans la contemplation muette du paysage.
Le côté d’où nous venions était couvert d’arbres de six à sept mètres de haut. Je me souvenais de l’aspect du pays en 1913 : le désert... Le travail paisible et régulier, l’air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l’âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C’était un athlète de Dieu. Je me demandais combien d’hectares il allait encore couvrir d’arbres.
Avant de partir, mon ami fit simplement une brève suggestion à propos de certaines essences auxquelles le terrain d’ici paraissait devoir convenir. Il n’insista pas. « Pour la bonne raison, me dit-il après, que ce bonhomme en sait plus que moi. » Au bout d’une heure de marche – l’idée ayant fait son chemin en lui – il ajouta : « Il en sait beaucoup plus que tout le monde. Il a trouvé un fameux moyen d’être heureux ! »
C’est grâce à ce capitaine que, non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme furent protégés. Il fit nommer trois gardes-forestiers pour cette protection et il les terrorisa de telle façon qu’ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer.

L’oeuvre ne courut un risque grave que pendant la guerre de 1939. Les automobiles marchant alors au gazogène, on n’avait jamais assez de bois. On commença à faire des coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tous réseaux routiers que l’entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. On l’abandonna. Le berger n’avait rien vu. Il était à trente kilomètres de là, continuant paisiblement sa besogne, ignorant la guerre de 39 comme il avait ignoré la guerre de 14.

J’ai vu Elzéard Bouffier pour la dernière fois en juin 1945. Il avait alors quatre-vingt-sept ans. J’avais donc repris la route du désert, mais maintenant, malgré le délabrement dans lequel la guerre avait laissé le pays, il y avait un car qui faisait le service entre la vallée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconnaissais plus les lieux de mes premières promenades. Il me semblait aussi que l’itinéraire me faisait passer par des endroits nouveaux. J’eus besoin d’un nom de village pour conclure que j’étais bien cependant dans cette région jadis en ruine et désolée. Le car me débarqua à Vergons. En 1913, ce hameau de dix à douze maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de chasse au piège : à peu près dans l’état physique et moral des hommes de la Préhistoire. Les orties dévoraient autour d’eux les maisons abandonnées. Leur condition était sans espoir. Il ne s’agissait pour eux que d’attendre la mort : situation qui ne prédispose guère aux vertus.
Tout était changé. L’air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs : c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul qui pouvait déjà avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d’une résurrection.

Par ailleurs, Vergons portait les traces d’un travail pour l’entreprise duquel l’espoir était nécessaire. L’espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés et reconstruit cinq maisons. Le hameau comptait désormais vingt-huit habitants dont quatre jeunes ménages. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers où poussaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules-de-loup, les céleris et les anémones. C’était désormais un endroit où l’on avait envie d’habiter.
À partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n’avait pas permis l’épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flans abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d’orge et de seigle en herbe ; au fond des étroites vallées, quelques prairies verdissaient.

Il n’a fallu que les huit ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d’aisance. Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On en a canalisé les eaux. À côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu. Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes. Si on compte l’ancienne population, méconnaissable depuis qu’elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de dix mille personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier. 

Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Chanaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable.

Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette oeuvre digne de Dieu.

Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l’hospice de Banon."
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